dimanche 25 mai 2008

TONLE SAP

Samedi 24 Mai

Leves a 6 heures, un tuc tuc nous attends devant l hotel. Je realise en ecrivant le blog que je suis attache a ce lieu.



Nous sommes les premiers a monter sur le bateau. Nous ne partirons que dans 1/2 heure. Chrystele en profite pour faire quelques provisions. Le voyage promet d etre long. 8 heures sur un vieux raffiot. C est tout ce que nous savons.
Je profite de cette demie heure pour m impregner des sons, des odeurs et autres sensations que nous allons quitter certainement a jamais.
Je suis le spectateur d un concert live:
La melodie sourde et lointaine du ronflement de moteurs plus ou moins biens regles, le chant des oiseaux, les coacs d une grenouille accompagnent les solos d un coq perdu dans une ville deja bien reveillee.
Les vapeurs de gas oil laissent la place aux parfums des epices de toutes les cantines. La fumee du charbon de bois qui se consumme apporte jusqu a moi les relents de cuisine.
Ici tous ceux qui travaillent, mangent dans ces gargottes. Elles sont tellement peu cheres. L oisivete n existe pas. Ils sont 10 a se partager la moindre tache.
Tout ca en regardant un homme dans une barque, remplissant une jarre de l eau d un fleuve dans lequel chacun jette ses dechets.
Il est temps de partir. Pendant ma reverie, le bateau s est rempli a mon insu. L equipage s active et largue les amarres.
Les filles et Chrystele sont en bas en compagnie d un bonze, d un fonctionnaire d etat s occupant d environnement, d un immense allemand voyageant seul, d une jeune fille passant son temps a lire des revues faisant la publicite de telephones mobiles et d un monsieur qui a decide de squatter un hamac situe au dessus du moteur pour plus de tranquilite.

Le debut du trajet se deroule sur un large fleuve borde de maison reposant sur la terre, mais resolument tournee vers le fleuve dans lequel chacun puise ou rejete tout.
On s y baigne tout en lavant son linge. On y pisse et defeque tout en puisant l eau du repas de midi. On y peche sous le regard indifferent des animaux de ferme abrutis par la chaleur.


Les cambodgiens aiment les mariages. A peine la musique de l un s estompe qu une autre arrive au loin. Quand ce ne sont pas deux voisins qui se font concurrence en matiere de bruit.
Lentement nous nous eloignons d un tissu plus urbain pour penetrer dans la campagne. Les maisons s espacent et laissent entrevoir de petites rizieres.
Les enfants attendent la venue quotidienne du bateau pour en saluer les passagers ravis de cette complicite. C est leur seul lien avec cette ville qu ils ne connaissent pas.
Je prends des notes pour ne rien oublier. C est au detriment des photos. Le temps de me preparer, l angle a change et une scene interessante perd toute signification.
J ai demande au capitaine si je pouvais monter sur le toit de notre embarcation. Autorisation accordee, je m installe sur mon nouvel observatoire.
Le bateau taille sa route, tout le monde dort dans le vacarme infernal du moteur.

Nous foncons vers l est. Les berges de la riviere s elevent. J ai le sentiment que le fleuve est plus haut que les terres cultivees. Un jeune ingenieur a souligne la justesse de mon impression en confirmant que depuis des siecles les hommes ont sureleves les berges pour pouvoir irriguer plus facilement les rizieres. Ces techniques ayant ete perfectionnees lors de la colonnisation.
Les berges etant plus hautes ou plus basses suivant les endroits permettant a volonte de remplir ou vider les rizieres.
Le fleuve faisant une boucle vers le nord ouest, nous le quittons pour naviguer sur de petits canaux allant en retrecissant. L experience est forte et interessante a vivre d autant plus que les paysages sont sublimes et que la gent qui les peuple est difficlement qualifiable.
Je nommerai ce peuple:"PEUPLE DE L EAU".


Ces paysans ont leurs maisons au niveau de l eau. Ils passent leur vie a piquer et depiquer le riz les pieds dans l eau. Traversent les canaux habilles et en ressortent comme des engins amphibies, degoulinant d un liquide boueux qu ils trainent avec eux. Retournant sur la terre comme si de rien etait. Une canadienne me disdant a ce sujet: '" tu comprends pourquoi les americains ont perdu la guerre au Vietnam? "
Le canal suit de belles courbes de plus en plus etroites. A l avant le pilote godille et dehale le bateau dont le flanc va tamponner les berges .


Le chauffeur du bateau joue du moteur, accelerations, marches arrieres, malgre la rusticite du materiel on sent que l homme fait corps avec la machine. La complicite entre le pilote et le capitaine est entiere. L erreur n est pas permise. Tout passe au millimetre.




Ces gens la connaissent parfaitement leur boulot. Pas un mot n est echange. Au son du moteur on peut deviner a quelle vitesse la courbe va etre negociee avec toujours cette reserve de prudence necessaire pour eviter la plus petite embarcation susceptible de deboucher de derriere les roseaux.
J assiste a un combat entre l homme et les flots. Meme si cela peut paraitre exagere je pense a la conduite en rallye. Mise en travers du bateau, angle d attaque de la courbe en fonction du courant, contre braquage du navire par l effet que produit la godille du pilote place a l avant.
Tout y passe. Une fausse manoeuvre suffit pour que l arbre de l helice s enveloppe d une pelote d algues enlevant toute puissance au moteur. Le bateau stoppe, le capitaine-mecanicien va a l arriere remonte l helice, degage l arbre.



Le bateau repart.
Nous entrons dans la mangrove, de gros echassiers s envolent. Les branches soudainement tres basses m obligent a plonger a plat ventre face contre roof, main sur la tete pour me proteger des branches d un arbuste. Elles sont couvertes d epines qui me lacerent le dos, non sans deposer au passage quelques fourmies devoreuses du meme acabit que celles rencontrees dans la jungle. Il parait que j ai eu de la chance, jai echappe aux sangsues arboricoles.
Pendant ce temps dans la cabine les filles jouent...
Atteignant un cours d eau plus degage le pilote confit son role a un jeune matelot. Il est important de former la releve dans de tels metiers. Savoir et pratique vont de pair. Comment devenir efficace et operationnel si l on est pas sur le pont chaque jour de chaque saison pendant de nombreuses annees . Les conditions de navigation changeant a chaque instant.
Toute forme de vie humaine a disparue laissant place aux formes animales et vegetales.
La nature enfin pure reprend tous ses droits.
Le chemin se poursuit de rivieres en canaux, de lacs en marecages, le bateau se faufile au milieu des rizieres.
Deja 4 heures que nous voguons. Nous arrivons au confluents de 3 rivieres. Cest le moment choisi par notre capitaine pour un halte bien meritee dans une epicerie comptoir, station essence situee au milieu de cette petite amazonie. Des minis barques deboulent de tous cotes poussees par des moteurs gonfles a bloc. Des jeunes s amusent a faire la course.
De nombreux dechets vegetaux encombrent le fleuve.
Nous entrons dans un monde de pecheurs. De tous cotes des filets sont tendus comme des pieges pour guider les poissons au fond des nasses.
De savants systemes de balanciers sur des radeaux de bambous permettent de manier sans effort des volumes et des charges enormes.



Partout des filets et des nasses on ne voit plus que ca. Des cormorans et toutes sortes d oiseau sachant tres bien a quelle heure le pecheur va venir pour profiter de quelques poissons perdus ou abandonnes.
Le courant saccelere, le fleuve nous entraine vers le Lac Tonle Sap.
Les filles, agripees au bastingage, jouent a faire des gerbes d eau avec leurs pieds.


Profitez en bien, ce jeu serait interdit en France. Securite oblige.
Le paysage n evolue plus. Seul les arrets dans les villages pour deposer ou prendre des passagers ainsi que l achat de poissons font oublier la longueur du voyage.
Les scenes de la vie quotidienne des hommes au fil de l eau donnent un nouveau rythme a la croisiere.
Tout a coup l horizon s elargit. Subitement le decor change. Apres 6h 30 de navigation nous debouchons sur le lac Tonle Sap. Plus grande reserve Halieutique d eau douce au monde. Malheureusement, les nombreux barrages construit par les chinois et les Laotiens sur le Mekong ainsi que la deforestation massive au Cambodge, font qu il recoit de moins en moins d eau et de plus en plus de sediments. Il s atrophie chaque jour un peu plus. Dans 10 ans c est fini comme nous la dit un jeune hydrologue.

Notre sillage est un remou de boue noire. Il faut dire que nous sommes a l etiage des eaux qui precede la mousson et la fonte des glaciers de l Himalaya.
Nous suivons un chenal materialise par de vagues branchages surmontes de plastics blancs ou noirs. Le bateau peut s echouer a tout moment sur cette immensite liquide n etant en fait qu une pellicule d eau.
Nous arrivons aux villages de pecheurs attirant les hordes de touristes japonais, conscients d avoir effectue un periple d exception. Fatigues mais fiers nous remontons le fleuve Siem Reap dont les berges s effondrent sous l agression constante des remous des bateaux de touristes.

Enfin le port. Une horde de chauffeurs de tuc tuc se bouscule. Chacun veut etre le premier a s accaparer le client. La ville est a 10 Km.

Apres la beaute et le reve, nous retrouvons la misere peut etre encore pire qu ailleurs. A chaque fois que la richesse s affiche, sous quelque forme que ce soit, la pauvrete est la accrochee a ses basques, pour grapiller les miettes de ses frasques.
Nous arrivons a Siem Reap ou un ami nous a recommande une adresse. Guest house avec piscine en centre ville. Les filles sont ravies.

Nous plannifions la journee de demain en suivant les conseils d un jeune francais vivant au Cambodge depuis 4 mois. Demain nous leverons a 5 h 1/2 pour visiter ANGKOR

2 commentaires:

Unknown a dit…

JC, je suis impréssionné par ta prose quasi quotidienne!

A demain et bises aux filles

Jude

Maman a dit…

C'est vraiment super de suivre ce voyage au jour le jour, continues Jean, on est ravi.
Bisous à tous